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fée tout et rien, dit tout et ne dit rien
24 octobre 2014

Bande de Filles, l'(É)toile du jour

Aujourd'hui je suis allée voir un film qui a déjà fait parler de lui et couler pas mal d'encre (chez Libération entre autre pour ne citer qu'eux qui ont longuement parlé du film dans l'édition du WE dernier). Du coup j'avoue être allée à la séance déjà conquise par le sujet même du film. Et oui la féministe en moi a parlé que voulez vous...

bande-de-filles-jpeg

 

Ce film se propose de raconter une vie française. C'est la vie d'une ado française, une ado de banlieue qui a grandit au milieu des tours HLM. Déjà rien que ce thème ne peut que me parler, quand on a grandit dans les cités HLM il y a cette marque en vous, une marque qui ne s'efface pas et qui oscille entre secret et fierté.
C'est dans cette cité de béton que vit Meriem et c'est dans sa vie que nous plongeons.

À la première minute du film, scène d'ouverture Sciamma joue avec les codes, d'emblée et je me suis demandé si le monsieur de la caisse ne c'était pas planté de film ou de salle (déjà qu'il m'avait dit au fond à gauche alors que c'était au fond à droite...). Nous sommes projetés en plein une partie de... football américain! Sur le coup la scène semble "What the fuck?" mais en fait tout est dedans. Ces joueurs casqués, harnachés, teigneux... voilà qu'une longue mèche de cheveux s'échappe du casque... Voilà un oeil de biche avec un regard noir... Voilà des traits fins... Voilà un corps à la taille fine... et oui ce sont des filles qui jouent, comme des hommes, comme des guerriers. Pas de concession, le jeu est entier, il est brusque et l'équipe veut la victoire. Puis fin de partie et là c'est l'effusion de la victoire mais il n'y a pas d'amertume dans le regard des perdantes, non elles sont fières de leur jeu et savent qu'elles n'ont pas perdu, elles ont joué et elles ont volé ce moment. Ce sont des guerrières fières, elles se sont battues selon les règles, elles ont partagé.
Retour à la cité pour les filles, de vraies ado comme on en croise partout avec un volume sonore et des rires qui fusent, on discerne à peine quelques mots, elles sont euphoriques de leur match. Puis passés les escaliers de la cité silence... elles se métamorphosent en jeunes fleurs de cité. Là bas le masque se porte dans le silence. les mecs sont des ombres qui les entourent, les surveillent. Elles ne leur laissent pas entrevoir la moindre miette de ce qui c'est passé juste avant, de ce bonheur fou et spontanné du jeu. Ce bonheur elles l'ont volé et elles le cachent arrivées dans la cité, regard vers le bithume et visage fermé elles doivent être respectées. 

Le ton est ainsi donné sur la vie de Meriem. Puis la scène de la conseillère d'orientation qui restera une anonyme sans visage, la voix du jugement. Pour Meriem ça sera le CAP ou rien. Elle refuse cette option, elle veut devenir quelqu'un, elle veut continuer une seconde générale. Non... "C'est pas ma faute" reçoit un "C'est la faute de qui alors? La mienne?" et voilà la boucle bouclée... la faute à pas de chance sans doute... ce destin là tout tracé pour elle Meriem va le refuser de tout son être, de toute sa révolte. Elle se tait respectueusement mais l'insoumission est déjà là, en germe et ne cessera plus de gronder.
Car c'est cela que nous raconte le film, le refus. Meriem refuse d'être ce que l'on attend d'elle, ce que les adultes attendent d'elle, ce que les mecs attendent d'elle. Meriem recherche sa vie.
Plongée dans sa vie "C'est pas ma faute"... deux petites soeurs à s'occuper, un grand fère tyran qui doit jouer son rôle de chef de famille dans la cité, une mère absente qui se tue au travail... Meriem est une femme au foyer des cités modernes voilà sa faute.
Elle rencontre une petite bande et ça devient à la vie à la mort. Trois filles, 3 soeurs, 3 âmes soeurs lui expliquent tout, lui montrent tout. "Je fais ce que je veux, vas y répètes, encore!". C'est exactement ce que Meriem qui est devenue Vic veut entendre et hurler au monde.

Le film se déroule ainsi et nous vivons avec cette petite bande, dans son univers, plongée dans les codes de la cité auxquels parfois les filles elles mêmes semblent se plier sans comprendre vraiment. On s'interpelle, on se provoque, les gars s'en mêlent pour en rajouter, on s'insulte, se bat et ... on ne sait plus très bien pourquoi. Il faut exister et pour cela faire face à quelqu'un. 
Ces ados sont de grandes gueules fragiles, à fleur de peau. Elles jouent d'une ulra féminité et d'une solidarité à toute épreuve. 

L'actrice Karidje Trouré est tout simplement bluffante dans le rôle de Meriem rebaptisée ensuite Vic pour Victoire (contre le monde entier elle se bat Vic). La jeune actrice habite littérament son personnage, elle lui donne une dimension physique et une présence scotchantes. C'est un fauve qui apparait à l'écran et qui joue sur tous les tons, exactement le ton juste au bon moment. 
Devant cet évier elle se redresse comme habitée d'une force nouvelle, elle investit ce corps et remonte la tête haut vers ciel dans un mouvement majestueux qui engage toute sa colonne. Un être humain, une femme se lève... Meriem est partie.
Puis la scène de la danse des filles sur Diamonds de Rihanna (signalons au passage que la chanteuse a laissé le droit d'utiliser sa chanson pour une somme bien en deça de ses tarifs habituels quand elle a vu le projet). Une danse, des chants, un corps qui ondule et se libère dans une transe de danse, c'est la naissance de Vic avec les paroles prophétiques ""palms rise to the universe as we moonshine and molly feel the warmth we'll ever die, we're like diamonds in the sky ..."  "les paumes levées vers l'univers alors que nous moonshine et molly, sentons la chaleur, nous ne mourrons jamais, nous sommes comme des diamants dans le ciel..." (moonshine et molly étant alcool et exctasy en poudre en langage populaire US).
La suite, le parcours je vous le laisserai découvrir, Vic se bat, cherche sa place. Ultra féminine, puis masculine, ancrée à son histoire d'amour interdite... elle croise des destins tout au long du film, en choisit pour un temps mais les refuse tous. Elle a cette force qui fait que certains relancent les dés tant qu'ils n'ont pas le double 6, le maximum... cet espoir fou envers et contre tout qui vous fait tout relancer non pas par goût du jeu mais parce que l'on ne peut accepter autre chose. Il n'y a pas d'autre choix que relancer... et le regard conquérant et déjà parti Meriem Vic relancera une ultime fois peut être les dés. Elle veut tout, elle a le droit d'avoir tout, elle réclamme ce qui lui revient et va le chercher... même si ça doit faire mal de tout laisser, les dés sont à nouveau lancés.

 

 

BANDE DE FILLES Bande Annonce Officielle (2014)

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