Les garçons et Guillaume à table! #GGAT

Comme vous le savez déjà, ce film est l'ovni de l'année 2013 et le César de 2014. Et bien sûr certains critiques mettent un point d'honneur à descendre en flèche ce film ou à applaudir des deux pieds sans avoir trop compris pourquoi...
Signé par Guillaume Gallienne et adapté de son spectacle, ce film nous signe une autobioagraphie déjantée. Je suis (enfin!) allée le voir hier. Lui et moi c'est une histoire de mauvais timing. Si j'avais enfin du temps libre, la séance ne collait pas. Et deux fois j'ai pu y aller mais... salle pleine! Ce matin c'était la dernière alors autant dire que je suis arrivée bien à l'avance, petit déjeuner dans le sac.
Enfin me voilà dans la salle, enfin installée, ça y est! Une poignée de céréales plus tard et du François Cheng en lecture, je lève le nez et constate avec plaisir que la salle est déjà presque comble mais surtout il y a toutes les générations! Des zados, des parents, des entre deux âges, du 3ème âge... oui je pense qui'l y a dans cette salle de quoi croiser pas mal de générations et d'horizons différents. Et ça déjà c'est une excellente surprise. À ma gauche une maman et ses 2 zados filles, à ma droite un couple de retraités. Oui le thème de l'identité sexuelle et de l'homosexualité touche toutes les générations et c'est un vrai plaisir à constater.
La séance commence et très vite les rires fusent. Car oui c'est très drôle (à pleurer de rire même). Et pourquoi c'est si drôle? Parce que c'est très juste. Et pourtant je ne suis pas un public facile de la rigolade. Il y a peu de films qui m'ont vraiment faite rire et le dernier en date était Starbuck. Tout se joue dans le décalage et la sincérité de Guillaume Gallienne. Il est toujours sincère et à côté de la plaque ce qui crée des situations hilarantes. Son regard sur le monde qui l'entoure, sa famille, ses camarades est sincère et juste. Lui à qui tout le monde confie ce qu'il projette sur l'homosexualité, se faisant un devoir de l'accepter et même de l'aider alors qu'il ne demande rien. Lui qui pour le coup voit les gens se dévoiler à lui, car lui ça ne peut pas le choquer... il est gay! 
La vision de l'internat de mecs est juste à se tordre de rire, les personnages qui peuplent son monde se succèdent avec justesse. 
Mais surtout ce qui fonctionne dans ce film c'est l'alternance de moment comiques et de moments émouvants, comme des baffes dans la figure que nous prenons en même temps que lui. Oui passer du rire aux larmes, Gallienne y arrive très bien.
La fin peu conventionnelles est jubilatoire. Mais surtout salvatrice: oser être qui nous sommes et accepter son passé sans rancune ni remords. 

Pour le côté plus "technique" ce film est à mon sens une véritable prouesse. Guillaume Gallienne interprète 2 rôles: le sien et celui de sa mère, jolie performance d'acteur qui lui a valu son César. Mais bon cela c'est déjà vu, certes pas avec autant de justesse et de finesse dans l'utilisation du travestissement et de l'effet produit (identification et dualité mère/fils). Gallienne est vraiment successivement les 2 personnages, performance quasi schizophrénique et qui produit l'effet voulu. 
Mais surtout le pari est osé: transposer un one man show, un monologue autobiographique théâtral en film. Dit comme cela je m'attendais à un résultat vraiment indigeste tant le pari est casse gueule. Limite s'il ne se tirait pas une balle dans le pied tout seul que je me suis dit... Oui mais c'est sans compter la créativité du Monsieur! Et en plus il cumule les prises de risques en interprétant les 2 rôles principaux... à vue de nez ça pourrait vraiment ressembler à un suicide cinématographique!
Sauf que... Guillaume Gallienne joue avec tout. Il joue donc avec les 2 rôles sans jamais déraper dans son numéro d'équilibriste schizophrène. 
Il joue des lieux et des temps avec fluidité. A la fois il rompt l'unité de lieu imposée par la salle de spectacle et à la fois nous revenons toujours à cette salle. Il nous y mène dès le début du film via les coulisses. C'est là une des subtilités avec lesquelles il joue: le point de vue. C'est toujours le sien, mais filmé de l'extérieur comme un reportage. Nous le voyons avant, nous voyons les coulisses et le derrière de la scène. Nous avons son point de vue sur scène face à ce public invisible derrière les projecteurs. Il commence son spectacle qui alors s'incarne. Il s'incarne dans divers lieux, reprenant le fil de sa vie à son adolescence et nous remonttons avec lui le temps jusqu'à ce que présent et passé se croisent dans la salle de spectacle. nous le suivons partout et en tout temps et il joue à merveille du jeu de la caméra.
Ainsi il rompt l'unité de lieu si souvent pesante dans les adaptations de pièces de théâtre au cinéma ( comme dans "le Prénom"), là tout se libère du lieu/ espace et du temps. En rappel et pour mieux voir le ressenti de Guillaume nous le voyons au spectacle, vibrant de son rôle puis nous repartons... une maîtrise réelle de son jeu d'acteur et des effets cinématopgraphiques.

Pour tout cela, pour ce jonglage virtuose et toutes ces risques pris je trouve ce film vraiment réussi, mais surtout le plaisir pris à le faire est palpable et c'est la touche qui change tout et le rend encore plus juste et drôle. 

Pour finir il y a aussi le propos du film: l'homosexuelité et les clichés que nous en avons. Gallienne en joue et les pointe du doigt, nous en fait rire. Il n'hésite pas et là aussi prend des risques. Il dit tout et sa sincérité et sa fraîcheur lui permettent tout. L'adolescence est passée en revue et surtout les ados et la sexualité au travers de son regard décalé mais tellement juste. Ce film est à mettre entre les mains de tous les zados et dès sa sortie en DVD  je me précipite dessus. Il va rejoindre ces films que j'adore partager avec les élèves: Persépolis et La Couleur des sentiments, La Vague, Starbuck...

Alors merci Guillaume Gallienne pour ce superbe film et félicitations pour ce César amplement mérité n'en déplaise à certains!