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fée tout et rien, dit tout et ne dit rien
23 février 2014

Nan Goldin, The Ballad of Sexual Dependency

Je voulais parler de cette artiste que j'adore, tout simplement. Elle a crée ce qu'elle a appelé un slide show, c'est assez intraduisible en français, une sorte de diaporama qui court sur des années de vie, sa vie avec un fond sonore. C'est donc un travail photographique mais pas que, autobiographique mais pas que...
Nan Goldin fait partie de ces artistes qui ne sortent pas indemnes de leurs oeuvres et les vivent intensément, dangereusement. C'est un témoignage aussi qu'elle donne de ses années de création et de vie.
Elle ne cherche pas plus à plaire qu'à déplaire, elle est et c'est tout. Elle fait partie de ces artistes dont l'oeuvre est indisociable de la vie parce que leur vie en en elle même est une oeuvre. Sa Ballad est un album de famille, une famille à elle, à son image, sa famille de coeur.

Dans cette famille comme dans toutes les autres il y a de beaux moments, de grandes joies, mais aussi de grandes tristesses. La vie, la mort, la naissance, le deuil, le quotidien... 
A dire cela sa Ballad pourrait sembler d'une banalité sans faille mais il ne faut pas s'y tromper, le visionnage d'une telle oeuvre vous laisse tout bonnement KO, vous non plus vous n'en sortirez pas indemne. Nan Goldin fait vibrer nos émotions, tout notre corps est pris dans cette oeuvre hors norme et inclassable entre le film et la photo. Les images projetées sur écran géant s'imposent à nous, le son lui aussi est très présent dans son oeuvre.
C'est d'ailleurs en me repenchant sur la place du son dans les arts que je suis revenue à elle, elle mon amour de jeunesse découverte pendant mes années fac.
A l'époque la bande son de la Ballad était faite de chansons des Sex Pistols et des The Clash, du son punk. Depuis j'ai découvert que les Tigger Lillies avaient remplacé les sons punk, ce qui je l'avoue m'a déçue au départ. Et puis j'ai rangé mon côté "vieille chouette conservatrice de son bon vieux temps" et j'ai regardé/ écouté à nouveau. Oui c'est vrai que ce son inclassable lui va comme un gant. Des textes étranges sur des images en perpétuel mouvement, des  êtres masqués et tristes sur des images d'êtres grimmés parfois, à nu tout le temps... 

Je me sens toujours proche des OVNI artistiques, mais d'elle tout particulièrement. Ses images peuvent être douloureuses, très justement douloureuses car elle les a vécu et nous les revivons par empathie. Et quand les personnes des photos sourient nous respirons avec elles de ce doux répis, de la vie.
La vie... la Ballad vit et est en perpétuel remaniement, effaçant des années en ajoutant d'autres.

J'ai aussi découvert cette lettre à Cookie Muller, lettre poignante sur cette personne tant aimée, qui a tant souffert. Pour que jamais elle ne soit oubliée elle qui a tant rayonnée dans la galaxie de Nan Goldin. La Ballad la porte en elle, lui survie et lui redonne vie à chacune de ses diffusions. C'est cela la force de la photo et plus particulièrement de la Ballad pour Nan Goldin, faire rester les êtres chers par delà leur mort. C'est particulièrement poétique cette survie dans une Ballad diaporama qui est par définition éphémère. Une sorte de mise en abîme où même si le spectateur prend lui aussi les morts avec lui, lui même est éphémère. Pourtant la vie est là, plus forte qu'ailleurs dans sa lutte pour la survie et la persistance de la mémoire. Ce n'est pas parce que nous savons l'issue d'une chose que nous pouvons nous abstenir de la vivre, car plus que l'arrivée c'est le chemin qui compte et nous rend riche. Bien sûr le chemin fait mal... mais la vie le pave. Même si Nan le dit elle même "I didn't save Cookie" puis elle continue "But overtime my photographs, and other photography about peaople wit AIDS, has helped", oui elle a gagné bien des batailles sur le champs du SIDA avec sa Ballad...

Voici le lien vers la lettre à Cookie, non traduit car traduire c'est trahir...   http://digitaljournalist.org/issue0106/voices_goldin.htm

cookie

 

De nos jours sexe et SIDA sont indossociables, ça a commencé à son époque. Cette survivante a connu l'émergence de cette maladie féroce qui court encore de nos jours. Elle a vu beaucoup de membres de sa famille tomber dont Cookie et son mari Vittorio (laissant leur fils orphelin), et tant d'autres...

nan5

 

Bisexuelle assumée et revendiquée, Nan Goldin a suivi les ravages du SIDA au coeur même de la comunauté gay. Diapo après diapo nous suivons des amis malades et voyons leur chair les trahir jusqu'à les rendre méconaissables. Une vraie claque que la Ballad nous impose... impossible de détourner le regard de cette détresse, de cette douleur, de tout cet amour et de toute cette dramatique beauté. Le temps est suspendu de douleur et de grâce.

La Ballad nous montre une famille faite de personnes qui nous attirent nous aussi vers leur étrange lumière, leur vie qui nous parait si étrange. Dans le monde de Nan Goldin rien n'est étrange, rien n'est figé, rien n'est choquant, quel délice et quel repos! Aucun jugement, jamais. de la compassion, toujours. de l'admiration, énormément. 
Comment ne pas être fasciné par ses travestis qui nous inetrrogent sur notre propre identité sexuelle, nos propres attirances? Qui se cache derrière cet épais masque de maquillage? Nous sommes face à cette fragilité que le maquillage posé pour dissimuler met au final en évidence. Cette féminité surjouée tant elle est revendiquée, cette féminité qui leur appartient enfin dans tous ses excès comme seuls les travestis savent la vivre et la ressentir, l'assumer et la montrer.

Ces êtres sont comme nous de chair et de sang. Chez Nan Goldin les images sont cash, pas d'embellisement, de filtre, rien. La vérité nue de sa famille est livrée. Rien n'est dissimulé: gueules de bois, maladie, WC, coups et violences, bad trip, imperfection des corps... cette vérité sans fard, cette sorte de surhumanité nous attache comme des aimants à sa famille. Tout sonne vrai car tout est vrai. 
D'ailleurs à ce propos je regrette que bien souvent les images à caractère vraiment sexuel soit si peu diffusées en dehors des projections de la Ballad. Les médias veulent bien en général de la Ballad et se targuent de militer contre l'homophobie, le SIDA et acceptent d'appeler la Ballad en y joignant son caractère sexuel, mais rares sont les images vraiment sexuelles à filtrer hors du contexte de projection. C'est maltraiter son oeuvre que de faire cela. 
En effet Nan Goldin prend beaucoup de couples en photo, dans leur intimité. Et donc logiquement aussi dans leur sexualité. Mais cela dérange les derniers tabous de notre société: voyeurisme, triolisme, exhibitionisme. Oui Nan Goldin flirte avec tout cela et plus encore dans sa Ballad, pourquoi l'occulter? La Ballad explore la sexualité, ses excès. Un sexe en érection, empli de vie et peut être aussi empli de mort (SIDA)... c'est aussi cela la Ballad. 

Tour à tour nous passons sur la vie: naissance et mort, maladie, rire et larmes, jours et nuits, repas et boissons, bain, célibat et couple, danse et sommeil, été et hiver, dehors et dedans, lumière des néons et du soleil... les photos sont autant d'étoiles filantes dans la galaxie de la Ballad...
La Ballad, c'est la vie... c'est une vie pleine de ses excès brûlée par les deux bouts, livrée par une survivante.

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